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Sommes-nous dans un état de droit ?

 

     Cette notion, d’origine allemande (Rechtsstaat), a été redéfinie au début du vingtième siècle par le juriste autrichien Hans Kelsen, comme un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. Dans ce modèle, chaque règle tire sa validité de sa conformité aux règles supérieures. Un tel système suppose, par ailleurs, l’égalité des sujets de droit devant les normes juridiques et l’existence de juridictions indépendantes.

Ainsi et communément, trois critères caractérisent « l’Etat de droit »: Le respect de la hiérarchie des normes, l'égalité des sujets de droit et l'indépendance de la Justice.

 

​L’existence d’une hiérarchie des normes constitue l’une des plus importantes garanties de l’État de droit. Dans ce cadre, les compétences des différents organes de l’État sont précisément définies et les normes qu’ils édictent ne sont valables qu’à condition de respecter l’ensemble des normes de droit supérieures. Au sommet de cet ensemble pyramidal figure la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A la base de la pyramide figurent les décisions administratives ou les conventions entre personnes de droit privé. Cet ordonnancement juridique s’impose à l’ensemble des personnes juridiques. L’État, pas plus qu’un particulier, ne peut ainsi méconnaître le principe de légalité : toute norme, toute décision qui ne respecteraient pas un principe supérieur seraient en effet susceptibles d’encourir une sanction juridique. L’État, qui a compétence pour édicter le droit, se trouve ainsi lui-même soumis aux règles juridiques, dont la fonction de régulation est ainsi affirmée et légitimée. Un tel modèle suppose donc la reconnaissance d’une égalité des différents sujets de droit soumis aux normes en vigueur.

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​L’égalité des sujets de droit constitue en effet la deuxième condition de l’existence d’un État de droit. Celui-ci implique que tout individu, toute organisation, puissent contester l’application d’une norme juridique, dès lors que cette dernière n’est pas conforme à une norme supérieure. Les individus et les organisations reçoivent en conséquence la qualité de personne juridique : on parle de personne physique dans le premier cas, de personne morale, dans le second. L’État est lui-même considéré comme une personne morale : ses décisions sont ainsi soumises au respect du principe de légalité, à l’instar des autres personnes juridiques. Ce principe permet d’encadrer l’action de la puissance publique en la soumettant au principe de légalité, qui suppose au premier chef le respect des principes constitutionnels. Dans ce cadre, les contraintes qui pèsent sur l’État sont fortes : les règlements qu’il édicte et les décisions qu’il prend doivent respecter l’ensemble des normes juridiques supérieures en vigueur (lois, conventions internationales et règles constitutionnelles), sans pouvoir bénéficier d’un quelconque privilège de juridiction, ni d’un régime dérogatoire au droit commun. Les personnes physiques et morales de droit privé peuvent ainsi contester les décisions de la puissance publique en lui opposant les normes qu’elle a elle-même édictées. Dans ce cadre, le rôle des juridictions est primordial, et leur indépendance, une nécessité incontournable.

 

Enfin, pour avoir une portée pratique, le principe de l’État de droit suppose l’existence de juridictions indépendantes, compétentes pour trancher les conflits entre les différentes personnes juridiques en appliquant à la fois le principe de légalité, qui découle de l’existence de la hiérarchie des normes, et le principe d’égalité, qui s’oppose à tout traitement différencié des personnes juridiques. Un tel modèle implique l’existence d’une séparation des pouvoirs et d’une justice indépendante. En effet, la Justice faisant partie de l’État, seule son indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l’application des normes de droit. Par ailleurs, les juridictions doivent être en mesure de confronter les différentes normes, afin de juger de leur légalité, y compris s’il s’agit de règles ayant un rang élevé dans la hiérarchie. Une loi ou une convention internationale contraire à la Constitution doit ainsi être écartée par le juge et considérée comme non valide. L’État de droit suppose donc l’existence d’un contrôle de constitutionnalité. Compte tenu du caractère complexe d’un tel contentieux, Kelsen a proposé de le confier à une juridiction unique et spécialisée, ayant la qualité de Cour constitutionnelle.

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Si l’État de droit est avant tout un modèle théorique, il est également devenu un thème politique, puisqu’il est aujourd’hui considéré comme la principale caractéristique des régimes démocratiques. Pour autant, si en France il est commun de nos jours de se prévaloir de vivre dans un Etat de droits, il n'en demeure pas moins légitime de s’interroger sur la portée effective des critères cumulatifs qui caractérisent la notion : Le respect de la hiérarchie des normes ? l'égalité devant la Loi ? l'indépendance de la Justice ?

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Dès lors, sommes-nous (vraiment) dans un Etat de droit ?

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André-Charles PUMA
Organisateur de la Conférences
"SOMMES NOUS DANS UN ETAT DE DROIT ?

 

 

 

 

CONFéRENCE

SAMEDI 27 novEMBRE 2021 14h - 18h

Salle des fêtes du Centre Panthéon,

12 place du Panthéon Paris Vème

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Madame Danielle LOCHAK,

Professeur émérite à l'Université Paris X-Nanterre

ancienne Présidente du GISTI,

"Les étrangers face à leurs juges: progrès ou régression de l'Etat de droit ?"

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André-Charles PUMA,

Docteur en droit

Université Paris II Panthéon-Assas, Institut Michel Villey,

"Les incohérences du système juridictionnel participent-elles de l'Etat de droit ?"

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Johan SAÏD,

Doctorant en philosophie du droit

A.T.E.R. Université Paris II Panthéon-Assas, Institut Michel Villey,

"L'Etat de droit à l'épreuve du Covid-19"

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Conférence Spinoza 2021

" Sommes-nous dans un état de droit ? "

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